Je commence bien la journée, déjà ma deuxième bouteille. J'en abuse pas un peu ? Il faut dire que ce n'est pas la grande forme en ce moment. J'ai un procès au cul, mon avocat a décampé et voilà que je dois réexpliquer ma situation à un nouveau défenseur. Quelle humiliation. Cette histoire traîne en longueur et me ronge petit à petit. Je refuse d'être coupable de quelque chose que je n'ai pas commis. Cette grognasse est allée raconter des conneries à son entourage, discréditant ma profession au point que certains clients ne viennent plus. Les dommages sont colossaux pour moi. Je compte bien gagner ce procès alors mon prochain avocat a intérêt d'être efficace. J'y mets le prix et c'est cette connasse de mégère qui va en payer les frais. Il est rare que je perds mon sang-froid et pourtant, elle a réussit à me le faire perdre. L'alcool n'arrange pas les choses, ayant pour conséquences de me rendre plus colérique qu'habituellement. Croyez moi, enrager une sorcière est une très, très mauvaise idée.

L'heure du rendez-vous approchant, il est temps pour moi de décamper. C'est avec difficulté que j'enfile une blouse aussi bleutée et scintillante que la nuit, ainsi que mon pantalon en cuir noir. Je prends mon sac à main à peau de crocodile avec moi puis ferme consciencieusement la porte de ma demeure. La dernière chose que je souhaite c'est être cambriolée. Mon taxi m'attend, prêt à m'amener en ville. Le temps de la route, je checke inlassablement mes messages en espérant avoir du soutien de la part de mes proches. Mais je suis seule. Je n'ai personne, hormis mon flacon rempli de vin blanc.

Je dégueule dans la première ruelle que je croise. Il est possible que j'ai abusé de la boisson. Voulant paraître fraîche, il faut absolument que je trouve le lieu du rendez-vous avant mon avocat, histoire de me pomponner pour paraître présentable. Qui voudra défendre une alcoolo comme moi sinon ? Cependant, je ne peux pas m'empêcher de vider ma flasque avant mon arrivé.

Je titube jusqu'au lieu de rendez-vous. J'ai de la chance, un beau garçon m'a invité dans un chic restaurant. Dommage qu'il s'agisse de mon avocat. Je pénètre l'établissement en déplissant mes vêtements jusqu'à être interpellé par un charmant trentenaire. Surprise, il s'agit de la personne qui défendra ma cause au tribunal. N'osant pas ouvrir ma bouche empestant l'alcool, je hoche de la tête en signe de salutation avant d'aller au comptoir en sa compagnie. Aussitôt, le serveur nous amène à notre table à l'écart de la populace. J'apprécie que les tables soient séparées par des paravents, donnant un peu plus d'intimité au repas. Monsieur Mattoshi m'invite à s'asseoir, l'un en face de l'autre. Impassible, je m'exécute sans ouvrir la bouche. J'ai la tête qui tourne, je galère à faire mine de rien.

Pendant que je regarde la carte, j'apprends être la seule cliente de Maître Mattoshi pour aujourd'hui, ce qui me rassure. Je ne voudrais pas qu'il bâcle mon affaire. Le serveur de retour pour prendre notre commande, je me racle la gorge avant d'annoncer sur un ton monocorde :

❝ Une salade composée et de l'eau. ❞

Je lui rends le menu avant de me redresser. D'apparence, je suis élégante, maître de soi et confiante alors qu'à l'intérieur de mon être, il n'en est rien. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai envie de pleurer. Au lieu de cela, je vais me noyer dans l'alcool, encore.

Le garçonnet repart, nous laissant tous les deux. Je croise les jambes et les bras tandis que Maître Mattoshi me demande de raconter la situation. Évidemment, mon ancien avocat ne m'aide absolument pas, je dois réexpliquer toute l'affaire. Le fait que mon avocat actuel me nomme comme une « charmante jeune femme » me fout en rogne. Malgré le rouge à mes joues, je me dis que j'ai affaire avec un beau parleur. Je prends énormément sur moi pour que mes mots ne dépassent pas ma pensée.

❝ Pour faire court, Madame Okari a déposé plainte contre moi pour usage de magie noire. Je l'aurai soit disant maudite et c'la expliquerait tous les malheurs qu'elle subit. Elle justifie le fait de battre son partenaire par de la ''possession'', elle dit que je l'aurai possédé et que c'est pour cela que son mari a fini à l’hôpital. ❞

Franchement Hiro, tu me laisses dans la merde. T'as tiré ton coup et tu es parti, sans même accomplir le devoir que tu as envers moi. Tu m'as utilisé et cela, je ne le pardonnerai jamais. Tu n'as même pas laissé les preuves à mon nouvel avocat ! Heureusement que j'en ai fais des copies. Je glisse le dossier sous le nez du défenseur.

❝ Voici mes échanges avec Madame Okari. Vous retrouverez les captures d'écran des mails dans l'enveloppe. Je n'ai absolument rien à me reprocher. Le juge Miyazaki s'est même rendu à la clinique, il a été satisfait de mes services. Avez-vous lu son rapport ? ❞

Avec ma poisse légendaire, j'ai eu la chance d'apprendre qu'un autre juge s'occupe de mon cas. Alors que j'ai eu Miyazaki dans la poche, le voilà qu'il s'envole, lui aussi, muté ailleurs qu'à Osaka. Comme par hasard, le monde est contre moi. Un sourire se fend sur mes lèvres lorsque Seiji me sert un verre de rouge.

❝ Merci. ❞

Je bois modérément le contenu de mon verre, me délectant du goût à la fois fruité et râpeux du vin. Avec une viande rouge, cela se marierait à la perfection. Mes yeux vides rencontrent enfin ceux du brunet qui me fait face. Il est pas dégueu, j'aurai bien couché avec lui. En espérant que cette envie ardente ne devienne pas trop envahissante.